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Interview Jacques Gravegeal

Jacques Gravegeal, Président de l’ODG Pays d’Oc IGP et vice-président de l’IRQUALIM, s’exprime sur différents sujets allant de la situation économique actuelle des entreprises viticoles à la façon dont la viticulture en France peut faire face aux défis posés par le changement climatique. Il aborde également des aspects sociétaux de la viticulture tels que le partage de l’eau et l’œnotourisme.

Quelle est la situation économique de Pays d’Oc IGP en ce début 2023 ?

Économiquement, nous résistons. Le vin rouge représente 40% de nos volumes, nous sommes donc un peu moins impactés que d’autres par le phénomène de déconsommation du vin rouge. Le fait que nous vendions des vins cépages joue également en notre faveur. Quant aux rosés et blancs, ils se maintiennent.

Quoi qu’il en soit, la période reste complexe. Pendant les premiers mois de la COVID, nous avons perdu le marché des CHR (café-hôtel-restaurants) à cause de leur fermeture. Et même si, sur cette période, nos ventes ont augmenté de 17% dans la grande distribution, nous n’avons pas récupéré la perte des premiers.

Quelles actions avez-vous entreprises pour promouvoir Pays d’Oc IGP et avez-vous rencontré des difficultés légales dans ce processus ?

Nous avons réalisé des campagnes de promotion mais surtout monté un club CHR parallèlement à un tour des cartes des vins national que je souhaite développer en région. Ces actions ont montré leur pertinence mais également quelques carences dans la compréhension de ce qui était autorisé par législation au niveau de l’élaboration des cartes des vins. Nous avons été accompagnés sur ce point par la DGCCRF. Avec le club CHR, nous cherchons aussi à pallier cet inconvénient.

Quel est votre point de vue sur l’avenir économique de la viticulture en France et comment pensez-vous qu’il est possible de relever les défis auxquels elle est confrontée ?

Prenons l’exemple de la Californie. Cet état américain a été valorisé grâce à ses vins, quasi tous originaires de l’encépagement français. Les domaines ont mis en place de véritables complexes agro-touristiques dont les chiffres d’affaires sont quasiment équivalents aux chiffres d’affaires de la vente de leurs vins. Je pense que c’est plutôt sur ce paradigme qu’il va falloir s’orienter pour que nous puissions amener une réponse économique aux femmes et aux hommes vignerons de la région. Nous devons ajouter une corde à notre arc en nous dirigeant vers l’œnotourisme.

En France, aujourd’hui, nous sommes à la croisée des chemins. Si le club CHR et l’œnotourisme ne sont pas soutenus efficacement, nous avons du souci à nous faire pour l’avenir de la viticulture. Nous devons être capable de relever ce défi.

Selon vous, comment la viticulture en France peut faire face aux défis imposés par le changement climatique ?

Le changement climatique que nous sommes en train de vivre est, justement, la réalité de la Californie depuis fort longtemps. De mai à octobre, il ne pleut pas là-bas. Comment ont-ils répondu à cela ? Ils ont créé des retenues collinaires ! Chaque exploitation peut en avoir plusieurs et la vigne est irriguée au goutte à goutte. Idem pour l’arboriculture et le maraîchage. Tout est irrigué grâce à cette eau excédentaire de l’hiver, réemployée pendant les mois de sécheresse. De plus, il y a peu de maladies grâce à des pratiques culturales innovantes.

La systématisation des périodes de sécheresse que nous connaissons régulièrement va rapidement devenir un problème crucial dans le sud de la France. L’eau, c’est la richesse et elle doit être partagée. Pas d’eau et tout le monde meurt.

Comment la viticulture, en Occitanie, peut-elle contribuer à maintenir une économie prospère et donner de l’espoir aux générations futures ?

Nous avons une réponse sociétale à apporter : du RSE, le partage de l’eau parce que nous devons nous interroger sur comment vivre, demain, dans des zones semi arides. Regardons ce qui se fait en Australie ou en Israël. Certains pays récupèrent les eaux usées, qui sont fertiles, et les utilisent 2 ou 3 fois. Je le répète, nous sommes vraiment à la croisée des chemins, nous devons apporter une réponse au sein de Pays d’Oc IGP. Si nous voulons conserver des femmes et des hommes sur ce territoire avec une économie prospère mais aussi donner de l’espoir aux générations futures, nous devons leur apporter la démonstration qu’ils peuvent obtenir un revenu et une vie décente dans un milieu qui leur conviendra. Je pense que nous avons la capacité, en Pays d’Oc IGP, à apporter une réponse économique qui aille dans ce sens.

Pouvez-vous nous présenter la réserve volumique d’assurance climatique des vins de Pays d’Oc IGP ?

Elle a été créée suite au gel d’avril 2021 et pour faire face aux aléas climatiques qui s’enchaînent depuis plusieurs années (sécheresse, gel, excès de chaleur, excès d’eau…). Nous devons avoir la capacité de répondre à l’offre que nous avons construite car si ce n’est pas le cas, nous risquons de perdre des marchés et une fois perdus, ils sont difficiles à retrouver ensuite.

Pays d’Oc IGP est arrivé à vendre 6 millions d’hectolitres soit un équivalent de 800 millions de bouteilles en mettant en place une diversification de culture et surtout un encépagement qui correspondait au marché. Nous avons perdu des parts de marché à cause du gel de 2021, que nous n’avons pas pu récupérer en. Cela m’a interpellé. Le but de cette réserve est de nous permettre de réalimenter le marché en cas d’aléa.

Les pouvoirs publics et le ministre de l’Agriculture ont compris le côté novateur de la création de cette réserve et ses enjeux car c’est la première fois qu’on en parlait pour des vins IGP. Ils nous ont écouté attentivement et accompagnés. 2023 est une année de mise en place donc de première expérimentation de la mesure. Et un marché régulé, c’est un marché prospère.

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