Issu d’une famille vigneronne des Costières de Nîmes depuis sept générations, Grégory Sergent fait partie de ces vignerons qui veulent repenser le métier autrement. “Après quinze ans passés dans l’armée, j’ai commencé à chercher des vignes qui me plairaient. Je les ai trouvées ici, à Lirac, au Clos du Jas où j’élève 5 ha de vignes en agriculture biologique et en biodynamie, dont certaines ont plus de 100 ans”.
Cela fait dix ans que Grégory Sergent, la quarantaine, dirige son domaine et cinq ans qu’il produit des vins en AOP Châteauneuf-du-Pape et en AOP Lirac, une appellation dont il est l’heureux co-président. “J’ai grandi au milieu d’une exploitation viticole mais étant de nature assez rebelle et têtu, j’ai voulu m’en émanciper, quitter ce microcosme pour me forger ma propre expérience de vie”. Il rejoint alors les Forces Spéciales, où il officie pendant quinze ans. Son régiment déménage par hasard en région bordelaise. “Paradoxalement, c’est dans le Médoc que j’ai réappris à voir la vigne et à boire du vin, moi le pur Gardois !”. Admiratif de l’approche rigoureuse et éthique du Bordelais, il se décide à devenir vigneron, comme ses parents et ses grands-parents avant lui. “Plutôt que reprendre l’exploitation familiale, j’ai préféré prendre mon baluchon à la recherche de vignes qui me plairaient. Je suis tombé complètement par hasard sur celles de Tavel. J’ai été séduit par leur conduite traditionnelle, par ce terroir des Lauzes nouveau pour moi, et par l’environnement préservé de la rive droite du Rhône, où les vignes se mêlent aux bois” explique-t-il. Il faut dire que l’appellation compte 1 000 ha de vignes et est entourée d’une superficie de forêts sept fois supérieure…
“J’ai démarré sans un rond, sans matériel, sans toit”
Les premières années sont rudes mais enrichissantes : “j’ai démarré sans un rond, sans matériel, sans toit. J’y ai investi toutes mes économies. Mon parcours montre qu’il n’est pas nécessaire d’hériter de trente hectares de vignes ou de gagner au Loto pour devenir vigneron !”. Sa rencontre avec Christophe Delorme, alors à la tête du domaine de La Mordorée (il est décédé depuis), le marque. “Il m’a appris notamment que le vin se fait à la vigne et non à la cave” confie-t-il. Aujourd’hui il s’occupe, seul, de ses 5 hectares de vignes. Cela lui permet de mieux “maîtriser” ce qu’il entreprend, et surtout d’“être à l’écoute de chaque pied, de chaque parcelle”. Ses années en tant que soldat lui ont appris à “s’adapter” et à “se remettre en cause en permanence” et lui ont donné la force physique nécessaire pour travailler la terre à la main ou au cheval, sans tracteur.
Quant à son investissement au service de l’appellation AOC Lirac, il en est ravi. “J’avais envie d’œuvrer pour le collectif, de faire front commun face à la conjoncture difficile dans un esprit de cohésion cher aux soldats”. Lirac a beau s’imposer depuis plusieurs décennies comme l’une des appellations phares des Côtes du Rhône Sud, il estimait que “la période d’adolescence de l’AOC durait plus longtemps que la normale”. “Mais aujourd’hui, précise-t-il, Lirac s’émancipe pour devenir une appellation phare, un Cru grandeur Nature. La rive droite du Rhône, c’est l’avenir !”.