Septembre et l’impression d’avoir vécu un été de tous les dangers…

L’été 2022 et ses + 2,3°C par rapport à la moyenne des étés depuis 1900 n’est pas le plus chaud. 2003 reste toujours le plus remarquable avec +2,7°C.

Les 8 premiers mois de l’année 2022 ne sont pas les plus secs, malgré un déficit de -25% par rapport à la moyenne depuis 1900 (5 années sont plus extrêmes sur ce seul paramètre). 

Alors où est l’exceptionnel ?  

L’exceptionnel réside dans la conjonction de ces deux facteurs : c’est donc les 8 premiers mois de l’année au cours desquels il a le moins plut et fait le plus chaud.  

Pour nos productions agricoles et en Occitanie, c’est aussi l’été où, pour la première fois, nous avons atteint un déficit d’eau dans le sol de plus du tiers de la moyenne dès la première semaine de mai (soit des valeurs d’un mois de juillet sec, début mai). Et cet évènement survient après 3 années exceptionnelles (2018, 2019, 2020) ; 2021 étant proche de la normale. 

S’il est beaucoup trop tôt pour en mesurer déjà les conséquences, nous pouvons cependant partager quelques constats…

Les productions végétales

Les volumes produits sont proportionnels aux capacités d’arrosage. Quelques « chanceux » ont bénéficié des très rares orages. Dans certains cas, ces évènements ont entrainé parfois plus de dégâts que la sécheresse elle-même (vent et orages de grêles, hachant tout sur leurs passages). 

Pour aller plus loin, 

Sur les plantations pérennes (vigne, arboriculture, forêt), notamment les productions non arrosées, ces conditions climatiques extrêmes à répétition depuis maintenant plusieurs années, mettent en péril l’existence même de certains matériels végétaux. Insidieux, il y a fort à craindre que nous soyons à la veille de voir disparaitre certaines variétés et certains clones fragiles, peu adaptés à de tels stress hydriques à répétition. 

L’arrosage a donc permis de limiter les pertes, tout en assurant une qualité minimum. Cependant de fortes disparités en fonction des volumes d’eau disponibles et des restrictions nécessaires pour assurer la ressource en eau potable et pour les autres usages qu’agricoles ont contraint certaines Préfectures à réduire les volumes d’eau disponibles pour l’arrosage agricole de façon très précoce (fin mai). 

Les campagnes de récoltes ont été très concentrées, souvent précoces (même si ce n’est pas là non plus dans les années les plus précoces) et avec des flux de volumes chaotiques, en fonction des pointes de chaleur. Ces dernières ont accéléré le murissement des produits matures ; tout en bloquant la croissance des moins avancés. Ainsi par exemple mi-juillet, il n’y avait presque plus d’abricots après un début de saison presque normal et il a fallu attendre début août pour en retrouver en quantité sur les étals… Dans ce contexte, les prix sur les marchés sont très volatiles. Une constante pour les producteurs : l’impossibilité de compenser les hausses de coût de production en particulier sur les fruits à noyaux ; pouvoir d’achat du consommateur et inflation ne faisant pas forcément bon ménage. Au dire des commerciaux des différentes structures agricoles, la négociation de prix n’a pas été aussi dure depuis des années. Notons aussi que de nombreux fruits et légumes étaient de moindre qualité (peau épaisse ou brulée).  

Sur les productions végétales annuelles (grande culture, maraîchage), les envolées de certaines matières premières en début d’année (engrais ou énergie) avaient déjà entraîné des conséquences très directes sur les plans de fumure hypothéquant déjà les potentiels de production, le printemps très sec a fini d’entamer les volumes. Au final, certains producteurs ayant planté au « bon » moment et profité des quelques orages épars de l’été, bénéficient d’une tendance favorable en termes de prix (Tournesol) ; mais ils sont trop peu nombreux pour inverser les chiffres.  

En maraîchage, les volumes sont arrivés de façon très chaotique. Cependant, il est à noter que les conditions extrêmes ont fait que peu de produits n’ont pas trouvé d’acheteurs, la question étant plus le prix, souvent plus à la baisse qu’à la hausse et cela malgré les coûts de production. 

L’élevage

Une constante, quel que soit le type d’animaux et de conduite d’élevage : l’envolée du coût des intrants, de l’énergie et de l’alimentation. 

En bovin viande, INTERBEV Occitanie lors de son Assemblée Générale, en juin, alertait déjà sur des abattages massifs et une décapitalisation importante, y compris sur les reproducteurs. L’augmentation du coût des aliments, les mauvaises fauches de foin au printemps liées à la sécheresse et la très relative stabilité des prix amènent beaucoup d’éleveurs à vendre. Par conséquent, les outils et lignes de transformation ont beaucoup tourné au premier semestre, parfois aux limites même de certaines capacités. Le second semestre 2022 et l’année 2023 s’annoncent plus compliqués. Dans certaines zones de piémont, la décapitalisation animale est telle que certaines exploitations ont arrêté la production ; or il est très rare de voir revenir des animaux sur des exploitations d’où ils sont partis… 

En ovin, les situations sont contrastées en fonction de zones et des modes d’élevage. Entre attaque du loup et de l’ours ; estives et prairies grillées très précocement, de nombreux producteurs doivent se résoudre à descendre plus tôt, à entamer les réserves et à parquer. De plus en plus d’inquiétudes pèsent sur l’avenir du pastoralisme dans certaines zones traditionnelles cumulant les handicaps ; et cela malgré l’importance économique, culturelle et environnementale de ces pratiques tant pour la biodiversité que pour la lutte contre les incendies et la consommation plutôt bonne. Dans les autres types d’élevage, les températures extrêmes ont montré les limites de certains bâtiments en termes de confort thermique, obligeant la mise en place de système D… 

En production laitière, les coûts s’envolent portés par l’énergie et l’alimentation. L’autoproduction de fourrages et d’aliments de quelques formes que ce soit a souffert du manque d’eau et là aussi on assiste à une décapitalisation du cheptel ; mais par réforme plus rapide d’animaux. 

Pour les monogastriques, les coûts de production augmentent également. Certaines matières premières atteignent de tels sommets qu’elles disparaissent de la composition des aliments. Les fabricants adaptent leurs formules pour essayer de tenir des prix déjà très impactés en intégrant des intrants moins chers avec plus ou moins de succès. Les conséquences sont des lots plus hétérogènes, parfois des refus de croissance, phénomène accentué par des conditions d’élevage liées à la chaleur créatrice de stress.

Un point spécifique sur l’aviculture 

Pour l’aviculture et la production de palmipèdes gras, la grippe aviaire vient s’ajouter à toutes les difficultés déjà évoquées. L’année 2022 s’annonçait déjà difficile à la suite de l’abattage de parques de géniteurs, c’est bien le cas. Mais une menace plus inquiétante encore plane sur les élevages : contrairement aux vagues précédentes où le printemps annonçait la fin de l’épizootie (la remontée des températures et des oiseaux migrateurs vers leurs zones de nidification plus au nord) ; les cas ont continué durant tout l’été, dans la nature ou en élevage. La filière redoute donc l’automne.  

Du positif dans tout cela ? 

Difficile de faire preuve d’optimisme, pourtant… 

Cet été, nos concitoyens ont touché du doigt une réalité qui leur échappait peut-être un peu : notre alimentation n’est pas un acquis et il va falloir maintenant agir. Certes il faut que les pratiques agricoles évoluent pour intégrer les nouveaux enjeux… mais le premier de ces enjeux va être de produire durablement de l’alimentation en quantité et qualité suffisantes ; accessible aux consommateurs. Dans ce contexte, le premier facteur limitant, démonstration faite cette année, est l’eau. Les économies d’eau sont nécessaires, la lutte contre les pertes aussi, mais il va falloir relancer la création de réserves. La France a un potentiel exceptionnel en matière d’eau, faut-il encore se donner les moyens de le valoriser de façon intelligente et durable. C’est une nécessité pour notre agriculture ; mais aussi pour maintenir des écosystèmes… Nos citoyens et leurs représentants de tout bord vont devoir faire des choix et ne pourront plus les remettre à plus tard sous la pression de quelques minorités bien organisées et convaincues.  

Pouvons-nous espérer le retour du bon sens ?

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